Focus Automoto - Jaguar Type E : voici l’histoire de "la plus belle voiture du monde"

Focus Automoto - Jaguar Type E : voici l’histoire de "la plus belle voiture du monde"
Depuis sa sortie en 1961, la Jaguar Type E possède un pouvoir de fascination sur tous les passionnés d’automobile. Associée à la pop culture des années 60, mémorable pour ses courbes sublimes, puissante et abordable, elle reste à ce jour "la plus belle voiture du monde", selon Enzo Ferrari.

Elle a été surnommée le mannequin roulant. Le Commendatore Enzo Ferrari a dit d’elle qu’elle était "la plus belle voiture du monde." Elle symbolisa les Swinging Sixties au même titre que les Beatles ou les mini-jupes de Carnaby Street, quand Londres était la capitale de la création mondiale. Être aperçu à son bord, comme George Best, Steve McQueen, Franck Sinatra ou encore Brigitte Bardot, suffisait à créer une réputation. C’est une grande actrice de cinéma, vue dans Austin Powers, Le corniaud, Ca$h ou encore Matrix Revolution. Elle, c’est la Jaguar Type E, ou "le style pour arrêter le trafic et une expérience de conduite qui a résisté à l'épreuve du temps",.

Le pouvoir de fascination de cette voiture d’exception est intact, 55 ans après sa mise sur le marché et 41 ans après l’arrêt de sa production. La Type E a été élue meilleure voiture anglaise de tous les temps devant des monstres comme la McLaren F1, la Lotus Seven et autres Bentley.

"Un demi-siècle de progrès n’a pas diminué l’importance de la Type E", lâche Mike O’Driscoll, Président de Jaguar Heritage. "Elle reste le symbole le plus durable et emblématique de Jaguar. La Type E est tout simplement l’une des voitures les plus excitantes jamais créées et un héritage du génie de Sir William Lyons, fondateur de la marque ."


L’histoire de cette icône adulée n’est pourtant pas seulement celle d’une marque à l’histoire tumultueuse ou de photos cultes de la pop culture. C’est aussi une page de l’histoire de l’automobile, où se mêlent génie de la conception, inspiration créatrice et impact populaire. "Elle est très importante dans l’histoire de l’auto", témoigne Eric Fournier, gérant de Classic Affairs, spécialiste dans la restauration de voitures anglaises et américaines à Arbonne-la-Forêt en Seine-et-Marne. "C’était le chaînon entre la voiture de course et la voiture de Monsieur tout le monde."

L’histoire remonte à "l’entre-deux-guerres", presque quarante ans avant l’acte de naissance de la type E. En 1922, les amis William Walmsley et William Lyons créent la Swallow Sidecar Company. Leur premier engin à quatre roues apparaît en 1932. Son appellation : la SS1. L’homonymie avec les bras armés de l’Allemagne nazie empêchera ce nom de franchir le cap de la Seconde Guerre mondiale. Jaguar sera son nouveau nom de baptême.

La première voiture de la marque relookée sera la XK120 (photo ici bas). Somptueuse dans ses premières versions, la XK est rapidement déclinée en voiture de course puis de compétition. La Jaguar XK120-C alias Type C finira par remporter les 24 Heures du Mans en 1951 et 1953. Jaguar présente ensuite la Type D, triple championne de l’épreuve sarthoise. Ce modèle est aussi la mère de la Type E.



Lors de sa présentation à Genève en 1961, la remplaçante de la XK suscite à la fois l’étonnement et l’admiration. Visiteurs et journalistes restent bouche bée. Sa ligne ultra-moderne et inédite est un clin d’œil direct à l’aviation. Son créateur, Malcolm Sayer, a déjà dessiné des avions et cela se voit. La Type E jouit d’un capot interminable et d’un aérodynamisme surprenant. Le tout est posé sur d’inimitables jantes à rayons de 15 pouces dominées, dans leur centre, par un écrou papillon.

"La Type E a un design qui, encore aujourd’hui, continue d’inspirer notre travail pour le design des futures Jaguar", Sports Car Digest" data-_target="">affirme Ian Callum, directeur du design chez Jaguar, dans un entretien donné à Sports Car Digest. "Ce qui la rend particulière, c’est avant tout son dessin avec sa ligne avant-gardiste issue de la compétition", témoigne de son côté Eric Fournier. "C’est une voiture synonyme de raffinement."

La création de la type E marque une date dans l’histoire du design. Elle sera, en 1996, la troisième voiture à intégrer la collection du Musée d’Art Moderne de New-York, le fameux "MoMa" (Museum Of Modern Art). Terence Riley, conservateur en chef du département “architecture et design”, l’accueillera avec les égards d’une princesse. "Avec sa beauté, sa qualité structurale, son aspect précurseur sur l’ensemble du design automobile, la Type E remplit parfaitement les critères d’un objet de design emblématique."

À l’intérieur aussi, la type E plane à 10.000 mètres. L’habitacle mêle aluminium et boutons poussoirs dignes d’un cockpit. Mais ce n’est pas un engin volant. La belle a bien quatre roues et le large volant en bois composé de trois branches, comme la Type D de course, est là pour le rappeler. Le volant n’est pas le seul point commun avec la Type D (photo ici bas). En plus de son physique, elle partage aussi sa structure. Plus moderne que les concurrentes de chez Ferrari, Aston Martin ou encore Maserati, elle profite dès son lancement de quatre suspensions indépendantes et, révolution, de freins à disques. Les systèmes à tambour sont encore la norme au début des années 60.



Ses gênes de sportive, directement hérités de la Type D, influencent ses performances, comparables aux Italiennes et autres Anglaises qui prétendent lui faire concurrence. En profitant d’un 6 cylindres en ligne de 3,8 litres de cylindrée dérivé de la course, la Type E atteint les 265 chevaux. Ce troupeau lui permet d’atteindre 96Km/h en 7,1 secondes, pour une vitesse maximale de 240Km/h. "Ses performances sportives ont aussi marqué les esprits", indique Eric Fournier. "Elles ont fait de la Type E la superstar qu’on connaît maintenant."

En quatorze ans de carrière, la Type E connaîtra plusieurs versions. Trois séries et trois versions - coupé, cabriolet et 2+2 - feront la richesse de la gamme. Quatre ans après son lancement, la Type E Série 1 connaît une série de modifications visant à gommer ses erreurs de jeunesse. La présence d’aluminium à l’intérieur, par exemple, n’aidait pas vraiment le conducteur par grand soleil. Les nouveaux sièges sont plus confortables. Surtout, son moteur gonfle de 3,8 à 4,2 litres pour un nombre d’équidés identique. Sa première boite de vitesses, "Moss", très critiquée car datant des précédentes XK, laisse la place à une version à quatre rapports, beaucoup plus moderne.


La principale évolution physique de la Type E a lieu en 1966, avec une mouture 2+2 qui ajoute deux places à l’arrière. Le châssis est modifié pour pouvoir accueillir quatre personnes et la ligne se transforme en une sorte de break de chasse à l’allure très alourdie. En Amérique, elle devient également XKE, afin de perpétuer la lignée des premières XK. En Europe, on conserve le nom de baptême, Type E, en référence aux modèles de course.

Les évolutions qui caractérisent le modèle entre 1968 et 1975 sont nombreuses et affectent la magie originelle. En 1968, la puissance tombe à 246 chevaux, aux Etats-Unis, en raison de la réglementation antipollution. La surchauffe connue du moteur de la Série 1 est gommée grâce, entre autres, à une entrée d’air élargie. Les normes antipollution se resserrent encore et le moteur 4,2 litres voit inexorablement sa puissance diminuer jusqu’à tomber à 215 chevaux.

Il faudra attendre la troisième série, en 1970, pour que la Type E accède à un moteur V12 5,3 litres. Avec ces cylindres en plus, elle développe 330 chevaux. Mais l’esprit des premières Type E, joueuses, aimant les hauts régimes, a disparu. La faute à un V12, certes confortable et puissant, mais qui a trop assagi la belle.

Côté ligne, même constats amers. Ses yeux ressortant toujours plus et sa grosse calandre visant à donner de l’air au V12 enlèvent une partie de son charme. La XJS remplace, en 1975, une Type E devenue trop ronde pour l’époque et son goût pour un style plus "carré." La légende de la type E se fige à jamais dans les années 60.


"C’était révolutionnaire, ce prix défiant toute concurrence", éclaire Eric Fournier. "Pour vous donner un ordre d’idée, pour une Ferrari, vous pouviez vous achetez deux Jaguar type E et trois pour une Aston Martin. Aujourd’hui, ça serait à peu près l’équivalent d’une voiture qui roule à 300 km/h au même niveau que les meilleures sportives du moment et qui coûterait moins de 30 000 euros."

Aujourd’hui une Jaguar Type E est un modèle de collection pour clients aisés, surtout pour les modèles de la Série 1. C’est la plus recherchée, l’originale. Elle a tous ses petits défauts mais n’a pas encore subi les multiples évolutions qui affecteraient son charme. Une Série 1 dépasse, en 2016, largement les 100.000 euros.

L’icône a pourtant le mérite d’avoir été produite en nombre - plus de 72 000 exemplaires - ce qui permet de trouver relativement facilement certaines pièces détachées. Eric Fournier est bien placé pour le savoir : l’émotion Type E n’a pas pris une seule ride. "Je suis spécialisé dans la restauration de voitures anglaises et américaines. J’ai eu l’occasion d’en essayer plusieurs. Mais, si je ne devais en garder qu’une, ce serait celle-ci. Sans aucun doute."


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