Son nom est aussi lourd qu’une légende. Son palmarès long
comme le bras. Icône indétrônable pour des millions de passionnés de course
moto, l’Italien Giacomo Agostini affiche pourtant toujours la simplicité qui
l’a accompagné tout au long de sa formidable carrière au plus haut niveau. À 74
ans, l’homme aux 15 titres de champion du monde entre 1966 et 1973 et aux 123
victoires en Grand Prix demeure souriant et accessible. Comme à ses débuts.
L’ancien pilote vedette du Team MV Agusta s’inscrit en totale opposition au
star-system qui prévaut très largement dans les paddocks aujourd’hui. Il a
apprécié à sa juste valeur la distinction reçue lors des World Sports Legends
Award de Monaco, en octobre. A cette occasion, le Transalpin nous a confié son
scepticisme sur l’absence de leadership aujourd’hui favorisée dans le
championnat du monde de Moto GP.
🇬🇧🇺🇸🇲🇨#GiacomoAgostini receives the @MonacoWsla by #GiuseppeFolino and @LorenaBaricalla #wsla16 #monaco #theoscarsofsport #example #MotoGP pic.twitter.com/7sqZHWCrSe
dash; MONACO WSLA (@MonacoWsla) 14 novembre 2016
Récompensé en compagnie d’autres grandes personnalités du
monde sportif, parmi lesquelles on retrouvait Mika Häkkinen (double champion du
monde de Formule 1 en 1998 et 1999), Pernilla Wiberg (double médaillée d’or
olympique en ski alpin), ou encore Sir Anthony McCoy (meilleur jockey
d’obstacle de tous les temps), l’Italien bénéficie d’une aura constante auprès
du public.
Selon le principal intéressé, l’explication tient en deux
points. La première : le respect de ses adversaires. Guidé par la seule envie
de vaincre lors de ses treize années en compétition, "Ago" se félicite de
n’avoir jamais cherché à outrepasser les limites du raisonnable en piste, ou à
abuser de sa position dominante pour écraser un rival. La seconde : une
détermination sans faille au service d’une ambition unique. Celle de s’imposer
comme le meilleur de sa discipline et de marquer son époque de son empreinte.
"Si l’on veut rentrer dans la légende et écrire l’histoire de son sport, on doit gagner et encore gagner", affirme Agostini. "Le public ne retient que les grands noms. Pas les autres. Prenons l’exemple du sport automobile. (NDLR, ils sont respectivement triple et quadruple champions du monde de F1). Certains prétendent que les gens en ont marre de voir toujours les mêmes s’imposer, mais ce n’est pas vrai. On rêve tous d’assister à des exploits d’un Eddy Merckx, d’un Cassius Clay ou d’un Michael Schumacher."
Maître incontesté des courses moto en son temps, le natif de Brescia ne goûte que très peu à la politique d’uniformisation des performances mise en place depuis plusieurs saisons par Dorna Sports SL, l’entreprise espagnole qui détient les droits d’exploitation de la Moto GP. Clairement opposé à l’idée de réduire l’écart entre les "Tops teams" et les autres écuries, l’ancien pensionnaire de Yamaha préconise, à l’inverse, de laisser la hiérarchie s’établir d’elle-même, quitte à voir souvent le même pilote triompher.
"Quand tu gagnes beaucoup, tu deviens une idole aux yeux du public", étaye celui qui a mis un terme à sa carrière en 1977. "À contrario, lorsque tu ne t’imposes qu’occasionnellement, tes succès perdent automatiquement de la valeur. Car tu ne deviens qu’un parmi les autres." À peine voilée, la pique du multiple champion du monde 350cc et 500cc vise, plus que les pilotes en eux-mêmes, le scénario d’une saison historique en Moto GP, avec neuf vainqueurs différents, rendu en partie possible par un système électronique commun à toutes les équipes. Un procédé qui a empêché les grosses écuries de dépenser des sommes folles pour accroître leur avance technologique.
Ce chiffre record n’a toutefois pas empêché , après cinq succès sur les 18 étapes du
Championnat. Si le jeune prodige espagnol de 23 ans a dû se contenter du même
nombre de victoires qu’en 2015, quand il avait échoué à la troisième place du
championnat, il est parvenu à corriger ses problèmes d’agressivité en course. "Marquez a couru de manière plus réfléchie que les saisons précédentes", observe
Agostini. "Quand il en avait les moyens, il prenait un maximum de risques pour
s’imposer. Il n’a pas complètement délaissé son petit côté impétueux. Mais
lorsqu’il ne pouvait pas venir se mêler à la victoire à la régulière, il a su
se servir de sa tête et gérer les courses avec intelligence."
Admiratif de la spectaculaire métamorphose opérée en
quelques mois par Marquez, A Si celui que l’on
surnomme dans le paddock "Il Dottore" a de nouveau échoué dans sa quête d’une
dixième couronne mondiale, il a tout de même réussi à bluffer "Ago" en 2016. "Valentino s’est montré extrêmement combatif cette année", témoigne-t-il, "Il a constamment lutté aux avant-postes et ne s’est jamais laissé démoraliser
par ses rares contre-performances. Malgré ses 37 ans, il a régulièrement battu
des pilotes beaucoup plus jeunes que lui."
Vainqueur à deux reprises cette saison (Jerez et Barcelone),
Rossi a porté son nombre de succès toutes catégories confondus à 114, soit neuf
longueurs derrière la légende Agostini (123). Convaincu que son record de
victoires finira bien par tomber un jour, l’ancien pilote phare du MV Agusta
peut néanmoins se rassurer : ses 15 titres mondiaux en 350cc et en 500cc ont
encore de beaux jours devant eux. "Même quand on en a gagné beaucoup, chaque
récompense est spéciale", a indiqué Agostini au moment de recevoir son trophée
à Monaco. "Recevoir un prix comme celui-là me rend particulièrement fier, cela
prouve que j’ai laissé une trace dans ma vie. Après toutes ces années, les gens
se souviennent encore de moi. Je trouve ça beau."
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