On craint le pire à Détroit pour la fusion GM-Chrysler

"Tout a déjà été brisé en mille morceaux", commente Tim Jones, 55 ans, quant on lui demande d'évoquer l'économie locale. "Les habitants perdent leur emploi. Si vous vous baladez dans n'importe laquelle des rues principales du coin, vous verrez que la moitié des commerces sont fermées", poursuit Jones, qui a longtemps travaillé dans le bâtiment avant d'ouvrir son magasin en ligne de batteries pour téléphones mobiles. "Une fusion de GM et Chrysler ne ferait qu'empirer les choses."
Des centre-villes aux banlieues reculées, les craintes de licenciements massifs sont vives. Lors des huit dernières années, le Michigan a perdu 300.000 emplois, pour la plupart dans l'automobile. Dans l'Etat, le taux de chômage a atteint 8,9% en août, alors que la moyenne nationale s'établissait à 6,1%. Ce déclin économique s'est accompagné s'un déclin démographique, tandis que les écoles ferment les unes après les autres et que le nombre de logements vacants explose. La ville de Detroit est désormais la plus pauvre des grandes agglomérations américaines, avec un tiers de ses habitants qui vivent sous le seuil de pauvreté. L'éventualité d'une fusion de Chrysler, propriété du fonds d'investissement Cerberus , fait craindre aux habitants que le pire ne soit pas passé.
Pour Lee Ellis, un entrepreneur de 33 ans, General Motors ne sera plus maître de son destin si le groupe vient à fusionner avec Chrysler. "Ils ont déjà du mal à se gérer actuellement, l'ensemble sera plus gros et encore moins gérable", estime-t-il. "Cela va faire mal. De nombreuses personnes vont perdre leur travail et de nombreuses villes vont en subir les conséquences."
GM, qui a perdu 51 milliards de dollars (38 milliards de dollars) lors des trois dernières années, a enclenché un plan visant à supprimer en Amérique du Nord 15% ses effectifs, sur un total de 40.000 emplois, tandis que Chrysler va en sabrer 1.250. Ces suppressions viennent s'ajouter aux dizaines de milliers d'heures de travail déjà rayées par une industrie qui voit ses ventes plonger et ses pertes s'accumuler.
"Je suis presque certain que cela va conduire Détroit vers un déclin économique plus grand encore", dit Phil Bybee, un assureur auto de 48 ans. "Détroit s'affaiblit depuis un moment, mais les environs vont commencer à en ressentir les effets eux aussi", poursuit-il. "Même à Brighton, un coin plutôt aisé, on voit de nombreuses saisies immobilières. Les habitants perdent leur travail, ils n'arrivent pas à vendre leur logements, et donc, ils s'en vont."
Jonathan Ross, chauffeur de taxi âgé d'une soixantaine d'années rapporte quant à lui que les sociétés de taxi commencent elles aussi à souffrir de la conjoncture. Mais contrairement à l'idée qui domine, il ne voit pas d'un mauvais d'oeil la fusion annoncée de General Motors et de Chrysler. Selon lui, un regroupement des deux groupes pourrait permettre de lutter avec davantage d'efficacité contre les constructeurs étrangers.
"S'ils fusionnent, l'un des deux perdra des emplois. Ce sera sans doute Chrysler. Ce ne serait pas bon, mais c'est inévitable. De toute façon, des emplois seront perdus s'ils ne fusionnent pas", dit-il.