Pour Sarah - François Rozon : “Pourquoi j’ai choisi de partager l’histoire de ma fille Justine” (Interview)

François Rozon est un producteur canadien à succès mais avant toute chose, il est un père. Une nuit d’été 2010 à Montréal, la vie de sa famille bascule lorsque sa jeune fille de 16 ans est grièvement blessée dans un accident de voiture. Cette dernière, conduite par un jeune garçon alcoolisé qu’elle connaît à peine, finit sa course folle dans un arbre. Justine subit de graves blessures. Commence alors un combat pour la vie. Cinq ans après ce terrible accident, François Rozon s’inspire librement de l’histoire de sa fille pour créer un projet de télé-série dramatique intitulé “Pour Sarah”. D’abord diffusé en 2015 sur la chaîne québécoise TVA, la série est aujourd’hui adaptée par TF1. Rencontre.
Vous nous avez confié sur l’accident de votre fille : “Tout allait bien dans ma vie et tout s’est arrêté” ...
Tout s’est arrêté quand j’ai vu ma fille, la première fois, dans cette salle de réanimation. Je n’ai pas pu rester plus de 30 secondes tellement j’étais terrorisé. J’ai vu le pire, ce qu’aucun parent n’a envie de voir un jour… Avec sa maman, nous avons d’abord cru qu’on allait la perdre. On nous disait alors que le cerveau de ma fille avait manqué d’oxygène, que ses reins ne fonctionnaient plus. Elle a passé dix jours dans un coma artificiel pour atténuer la douleur. Et puis, un jour, c’est comme si la machine s’était remise en route. Son corps a repris ses droits, étape par étape, opération après opération. Ma fille s’est battue comme une lionne et nous avons toujours été à ses côtés pour la soutenir.
Pourquoi on décide un jour de partager son histoire ?
Après l’accident de ma fille, je passais des journées entières à l’hôpital. Nous avions un appartement à Toronto où Justine était suivie. Notre vie a été mise entre parenthèses à ce moment-là, j’avais beaucoup de temps pour réfléchir. Je pensais déjà à ce que cet accident changeait en nous, à cet impact énorme qu’il avait eu dans nos vies. Environ trois ans plus tard, j’ai commencé à imaginer comment ce drame pouvait servir à quelque chose. J’ai discuté avec des confrères producteurs. C’est ainsi que le projet “Pour Sarah” est né… Parce que je ne voulais pas être trop impliqué émotionnellement dans la création de cette série, je me suis entouré d’une équipe talentueuse de scénaristes et de producteurs. J’ai fait confiance à ces gens pour raconter cette histoire dont la fiction se mêlait à la vérité.
Quel est le message que vous avez souhaité faire passer ?
L’accident dont ma fille et ses deux amies ont été victime, a créé un véritable émoi au Québec. Le taux d’accident mortel a baissé de façon significative après la médiatisation de leur histoire. Cet accident a eu lieu parce qu’un jeune homme a été insouciant, inconscient. Nous voulons faire comprendre aux jeunes que les accidents arrivent bien plus souvent qu’on ne le croit. Il faut être prudent et ne pas se mettre dans des situations à risques. Nous espérons vraiment qu’à travers la série, tous prendront conscience que leur vie est précieuse.
Aujourd’hui « Pour Sarah » est diffusée sur TF1. Votre message traverse les frontières…
Je suis très fier que notre projet, notre histoire, nos messages, soient partagés à une aussi grande portée. Les jeunes du monde entier doivent être sensibilisés sur le sujet. L’accident de ma fille m’a fait réaliser que notre histoire n’était pas unique. Chaque jour, les hôpitaux accueillent des milliers de famille qui, comme nous, voient leur vie basculer. Longtemps, ça m’a hanté d’imaginer les salles d’attente remplies par ces familles désemparées.
Est-ce que les téléspectateurs peuvent s’attendre à une saison 2 ?
Au Canada, nous n’avons pas écrit de suite parce qu’au moment de la diffusion de “Pour Sarah”, ma fille rentrait à l’hôpital à cause de son cancer ( En 2015, Justine a reçu une greffe des intestins et a déclenché un cancer à cause du greffon, ndlr). Elle subissait de nouveaux traitements et de nouvelles opérations et je voulais mettre toute mon énergie pour la soutenir. Aujourd’hui, si TF1 veut écrire une saison 2, je ne serais pas contre. Ma fille va mieux. Elle est un modèle de résilience et d’optimisme, c’est ce que je veux qu’on retienne d’elle.