L'Oeil de Téléfoot : Comment l'US Orléans a réappris l'ambition
L'histoire personnelle de Patrick Paumier illustre assez bien celle de l'US Orléans. Journaliste à la République du Centre depuis 1988, l'homme a "tout connu" avec le club orléanais, qu'il suit de-puis ses débuts. Sa carrière, il l'a débutée en couvrant des matches de Deuxième division, à une époque où Orléans manquait de peu la montée en D1 puis atteignait les quarts de finale de la Coupe de France, chutant face au grand Monaco. "J'ai même vécu une victoire 4-0 au Parc des Princes face au PSG, sourit-il. C'était un sacré exploit !"
Mais il a aussi connu la dégringolade du club orléanais : la liquidation, le retour en Division d'Honneur en 1992… Autant dire qu'il savoure au nom de ses lecteurs le retour au premier plan de l'USO. Une remontada qui fut longue à se concrétiser : le club n'a pas retrouvé le niveau professionnel avant 2014… avant de retomber en National la saison suivante. En 2017, Orléans a même cru reprendre l'ascenseur, mais il ne s'est sauvé qu'au terme d'un barrage serré face au Paris FC (1-0, 0-1).
Cet équilibre précaire, l'USO new look s'évertue à présent à le pérenniser. "C'est l'objectif principal du club, explique Antar Yahia, son directeur sportif. On a un projet de développement sur trois à cinq ans avec un leitmotiv : s'installer dans le paysage du football français." Patrick Paumier décrypte : "L'USO doit absolument se stabiliser. La descente en National en 2015 a coûté très cher, ça a failli faire capoter tout le club. Tout est encore très fragile. Il faut apprendre à se maintenir sans souci et continuer à grandir."
Antar Yahia, passé de joueur à directeur sportif
Pour ce faire, les dirigeants du club ont choisi de nouveaux hommes. A la direction sportive, donc, Antar Yahia a rangé les crampons pour endosser ce rôle en pleine saison, fin décembre 2016. Un choix qui a quelque peu surpris de prime abord. "Je ne remercierais jamais assez le président, souligne d'ailleurs-t-il aujourd'hui. C'était un risque pour lui de choisir un directeur sportif aussi jeune, sans expérience du poste."
Mais en réussissant l'opération maintien puis en posant les bases d'un projet global, l'ancien international algérien, 35 ans, a conquis sa légitimité au forceps. "Il est jeune, il a beaucoup d'idées, on sent qu'il veut vraiment apporter un plus à l'USO, éclaire Philippe Paumier. Il a une très grosse expérience internationale qui le sert au quotidien. En Allemagne (il a joué à Bochum et Kaiserslautern, ndlr), il a connu des infrastructures solides, des stades pleins. Ce sont les recettes dont il veut s'inspirer pour l'USO."
L'intéressé ne nie pas. "En Allemagne, j'ai appris que tout ce qui était autour du terrain était capital au football. Tout cela peut faire la force d'un club. Dans les dernières années de ma carrière, je savais que c'était là-dedans que je voulais me reconvertir. Alors je me suis formé, j'ai passé un diplôme universitaire de management sportif, je suis actuellement une formation au CDES de Limoges… Mon âge, il peut apporter une certaine fraîcheur, une certaine vision du foot. Mais ce n'est pas le plus important. L'essentiel, c'est ce que je veux apporter, la vision que j'ai pour le club. Et je voulais avoir des outils pour ça."
Des outils et des relais. Pour continuer à faire grandir le club, Orléans fait confiance à quelques vieux briscards. A commencer par Karim Ziani. L'ancien joueur de l'OM est un ami de longue date d'Antar Yahia, dont il partage l'âge et un vécu en sélection algérienne. Au rang des doyens du vestiaire orléanais, on peut également citer Pierre Bouby, tout juste un an de moins, passé lui par Auxerre, Nîmes ou Metz. Cette génération a donc la tâche de donner un second souffle à l'USO et d'encadrer les plus jeunes.
Des cadres qui servent de relais
Patrick Paumier rappelle à ce sujet que l'entraîneur, Didier Ollé-Nicolle, "a largement rajeuni et renouvelé l'effectif cet été : il y a eu 13 ou 14 nouveaux joueurs, c'est énorme."
"Je me sens à la base d'un chantier, d'une aventure et c'est très motivant, s'enthousiasme Antar Yahia. Chacun est à sa place dans le projet. La direction et le président délégué, moi, mais aussi certains joueurs comme Pierre, Karim, Thomas (Renault, gardien formé au club) : tout le monde a un rôle d'encadrement et une responsabilité de loyauté envers le club. Moi, j'ai fait déménager ma famille ici, je me lève tous les matins en pensant au club et à son avenir. Quand on parle d'identité du club, ça se construit aussi avec de l'engagement."
Et avec ceux qui, demain, vont porter les couleurs de l'USO. Antar Yahia a déjà bien cerné les alternatives qui s'offrent à lui : "soit on a de l'argent et on va chercher les joueurs qu'on veut, soit on mise sur la formation. Chez nous, c'est une conviction. On est dans un bassin avec métropole de plus de 250 000 habitants, à proximité de Paris. On a un rôle éducatif et social. On veut avoir les meilleurs jeunes joueurs de la région." Sauf que le club n'a pas de centre de formation à proprement parler. "C'est ce qui nous manque aujourd'hui, confirme l'ancien défenseur. C'est notre priorité car on a un déficit en infrastructure."
La montée en L1 ? Pas pour tout de suite
Recruter local, c'est aussi recruter des amoureux de l'USO. Et ça, Antar Yahia l'a bien compris : "J'ai des souvenirs très forts du centre de formation de Sochaux, où François Blaquart s'attachait à attirer beaucoup de joueurs de Franche-Comté. Ça crée un ADN commun. On peut reproduire ça ici. Il faut que les jeunes d'ici n'aient qu'une envie, c'est de porter les couleurs du club." Un attachement à l'identité qui se ressent jusqu'au maillot : celui-ci a été retravaillé au milieu de l'été pour être plus proche des emblèmes du club (les couleurs, jaune, rouge et noir, et la guêpe).
Reste à savoir où tout ce travail peut mener l'USO. Patrick Paumier tempère : "Après le début de saison réussi, tout le monde parlait de montée en Ligue 1. Mais il ne faut pas oublier d'où le club vient : ici, il n'y a pas de stade, pas de centre de formation, pas de structures… Choses qu'avait Amiens, par exemple, l'année dernière. S'installer en L2, ce serait donc franchement une réussite." Antar Yahia : "Si on réussit dans ce qu'on a entrepris, Orléans va devenir un club solide de Ligue 2 avec son identité et ses jeunes. Qu'on ne soit plus le Petit Poucet ! Après, on verra pour d'autres ambitions."