L'oeil de Téléfoot - Sablé, le choix du cœur de l'ASSE

En confiant les destinées de son équipe première à Julien Sablé, l'AS Saint-Etienne a choisi un pur produit de son histoire récente. Ancien capitaine du club, directeur de son centre de formation depuis l'été dernier, l'entraîneur de 37 ans n'a cependant aucune expérience sur un banc professionnel. Le choix du coeur n'est pas forcément celui de la raison, soulignent les fans de l'ASSE que nous avons interrogés.

L'AS Saint-Etienne a tenté le virage international. Mais il n'a pas fonctionné. En nommant Oscar Garcia à la tête de son équipe première cet été, le club stéphanois a misé sur un technicien reconnu, élève de l'école Cruyff au Barça, adepte d'un jeu offensif et d'une éthique du football. L'aventure aura duré cinq mois, le temps que l'ASSE s'enlise en bas de classement et que l'Espagnol choisisse de démissionner, jugeant qu'il n'avait pas pu "travailler de la manière qu'il voulait".

Pour lui succéder, les dirigeants stéphanois n'ont pas cherché très loin. Ils sont revenus à des recettes locales et ont misé sur Julien Sablé. A 37 ans à peine, l'ancien milieu de terrain était depuis quelques mois le directeur du centre de formation du club. Une progression éclair au sein d'une écurie dont il a porté les couleurs, le brassard de capitaine et participé à quelques beaux souvenirs, comme les remontées en Ligue 1 de 1999 et 2004.

Le titre du communiqué du club annonçant sa nomination est d'ailleurs limpide : "Julien Sablé, pour l'amour des Verts !" On peut y lire que le natif de Marseille "porte en lui les valeurs d'humilité et de travail chères au peuple vert", et que ce sont "son enthousiasme, son expérience et les vertus qui l'ont guidées tout au long de son parcours professionnel qui lui valent la confiance des dirigeants de l'AS Saint-Etienne". Tant pis si Sablé n'est pas titulaire du BEPF, le diplôme d'entraîneur indispensable pour s'asseoir sur un banc de L1, ou s'il n'a aucune expérience hormis ses trois saisons au centre de formation stéphanois : "C'est un serviteur des Verts" et c'est très précieux pour ses dirigeants.

Sablé, pas "le bon choix à l'instant T"

Roland Romeyer et Bernard Caïazzo, les deux hommes forts du club, s'inscrivent, avec ce choix, dans une logique plébiscitée en France. Celle de la promotion interne, qui a conduit à la nomination de nombreux adjoints ou entraîneurs d'équipes réserves à la tête des groupes professionnels. L'ASSE en sait quelque chose : en 2009, le club avait offert à Christophe Galtier sa première expérience d'entraîneur principal, lui qui était jusque-là l'adjoint d'Alain Perrin dans le Forez. Avec un certain succès puisque l'ancien joueur de l'OM est resté en place jusqu'à l'été dernier et a ramené dans le Forez son premier trophée national depuis 1982 avec la Coupe de la Ligue 2013.

Sauf que Sablé n'est pas Galtier. A la date de sa nomination en 2009, celui-ci avait dix ans d'expérience de coaching derrière lui, à Marseille et Lyon notamment. Les premiers résultats tendent d'ailleurs à fragiliser le nouvel entraîneur des Verts : en cinq matches, ses joueurs ne se sont toujours pas imposés, concédant même deux défaites cuisantes (3-0) à Bordeaux et Marseille. Lionel Rousselot, président de l'association de supporters "Les Verts d'Anjou", résume le senti-ment des fans : "Je pense que c'est arrivé trop tôt pour lui. Dans deux ou trois ans, je l'aurais bien vu en numéro 1. Mais là, j'ai peur qu'on soit en train de le griller." "Selon moi, ce n'est pas un bon choix à l'instant T, assène Xavier Coffin, journaliste spécialiste de l'ASSE. Dans la situation dans laquelle se trouve le club, il fallait un gars d'expérience."

Pour compenser, le club a bien installé comme adjoint Jean-Louis Gasset, bras droit de Laurent Blanc chez les Bleus et au PSG ces dernières années et entraîneur principal de Montpellier la saison dernière. Une sorte de professeur autant que d'assistant pour le jeune Sablé. C'est aussi une couverture, car Gasset est titulaire du fameux BEPF. Mais il n'a pas vocation à s'éterniser dans la Loire. "Jean-Louis vient pour aider Julien en espérant trouver un nouveau challenge la saison prochaine avec Laurent Blanc", a expliqué début décembre son ami Robert Nouzaret au site spécialisés Poteaux-Carrés.

L'ADN stéphanois est un plus, pas une condition

En revanche, Sablé, lui, s'inscrit dans la durée. C'est en tout cas ce qu'expliquent, à qui veulent l'entendre, les dirigeants stéphanois. "Il n'est pas en intérim, c'est clair et net, a affirmé Romeyer en conférence de presse. J'ai reçu plein d'appels mais je n'ai contacté aucun coach et je n'en contacterai aucun. C'est un enfant du club, il en connaît l'histoire, les valeurs, l'environnement. Il a du charisme et du caractère."

Voilà résumées les qualités qui ont poussé l'ASSE à miser sur Sablé. Un choix identitaire, presque, pour redonner de la gniaque à une équipe composite où les recrues récentes sont nombreuses. Pas un esthète, mais qu'importe. "Sur le terrain, Sablé était un guerrier, un vrai leader, rappelle Xavier Coffin. Ce n'était pas un fin technicien, loin de là, mais le public l'adulait. En tant qu'entraîneur, pour moi, il sera dans la même lignée. Plus un Galtier qu'un Gourcuff, axé sur la grinta et une bonne assise défensive."

Mais même chez les plus fervents supporters, le ressort sentimental ne fonctionne plus vraiment. "Il ne faut pas se réfugier derrière ce truc de l'ADN, assène Lionel Rousselot. Avoir la fibre verte, c'est bien mais c'est loin d'être une garantie de réussite. Que les formateurs soient des anciens joueurs, très bien. Mais sur l'équipe première, on a besoin avant tout de compétence. D'ailleurs, Galtier n'avait pas l'ADN stéphanois avant d'être nommé."

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